Je lis beaucoup ces derniers temps, notamment le maintenant célèbre Sorcières, la puissance invaincue des femmes que j’ai trouvé très intéressant. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait une revue de livre, et celui-ci s’y prête bien car il parle de féminité et féminisme, des sujets qui me parlent beaucoup. Cela change un peu de l’écologie. Quoique…
La féminité et moi
C’est lorsque je vivais au Mexique il y a maintenant 4 ans que j’ai réellement commencé à m’intéresser à la féminité.
Là où je vivais, j’étais entourée de personnes très spirituelles avec qui j’ai pratiqué des cercles de femmes. Le féminin sacré, la connaissance de ses cycles, les liens avec la lune, l’acceptation de soi, la tolérance… mon intérêt pour tous ces sujets s’est fait naître.
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Pour autant, je ne me considérais pas particulièrement « féministe ». Je prenais ces expériences plutôt pour le fait d’apprendre à connaître ma féminité et mes cycles, ainsi qu’accueillir des confidences féminines et comprendre le lien entre féminin et nature. J’avais une vision du féminisme comme sectorisée. Je n’avais pas l’esprit d’un rapport de forces du type « les femmes d’un côté, les hommes de l’autre ».
Depuis quelques mois, je m’intéresse cependant plus à la place du féminin dans la société, l’histoire des Femmes, et à la notion de féminisme et ce que ça implique derrière. Le livre Sorcières, la puissance invaincue des femmes, y est pour beaucoup.
Sorcières, la puissance invaincue des femmes
Rien que le titre, j’étais séduite. A l’adolescence, je m’intéressais à la magie, j’étais fan de Charmed et de mythologie égyptienne. Et comme je disais, le Mexique m’a ouvert la porte vers la spiritualité et entre nous, on s’appelait Sorcières.
Alors qu’un livre fasse un tabac avec un titre pareil, forcément j’avais envie de le lire :).
En revanche, dès les premières pages j’ai trouvé la lecture difficile. Beaucoup de références historiques, d’annotations et un style d’écriture qui ne me parlait pas trop. Je n’allais donc pas le lire d’une traite, comme beaucoup d’autres qui l’ont dévoré. Ceci dit, les thèmes abordés sont passionnants.
L’histoire des sorcières et féminicides
On y apprend tout d’abord des faits historiques sur la place de la femme dans la société depuis… toujours. Et ce n’est pas beau à lire. J’ai réalisé à quel point la femme a été considérée comme inférieure à l’homme, discriminée, violentée, massacrée. Une coupable facile pour un peu tout et n’importe quoi.
J’avais déjà noté que le fait qu’historiquement, une femme suive des cycles et ait des menstruations faisait peur aux hommes ou était associé au diable, et donc à de la sorcellerie. Je ne mesurais pas l’ampleur du sujet, ni que la « sorcellerie » était utilisée comme un prétexte pour se débarrasser d’une femme encombrante.
Le rôle de la femme
Quand on entend « féminin », on pense sensible, maternel, nourricier, sensualité. Des attributs et rôle qu’on colle à la femme dès sa naissance.
Les femmes sont fondues dans un rôle de don de soi, de mère, de faire plaisir aux autres, de mettre les besoins des autres avant les siens. En fait, ses besoins on s’en fiche, elle n’est pas là pour exister en tant que personne mais souvent en rapport à quelqu’un d’autre : un homme, un enfant, ou encore un patron. Si elle n’entre pas dans ces codes, c’est une sorcière, à brûler au bucher.
On la considère moins intelligente, plus émotive et donc moins crédible, et on la cantonne à des métiers et domaines clichés d’éducation ou de soin des autres en priorité.
Étant donné qu’elle « donne la vie », la femme n’est utile et appréciée que lorsqu’elle est fertile. Dans ce contexte, elle est un objet de convoitise et sexuellement intéressante et désirée. Dès qu’elle n’est plus fertile, c’est comme si elle n’était plus utile. C’est une raison pour laquelle on considère qu’une femme ménopausée ou qui a les cheveux blancs n’est plus désirable (ce qui n’est pas le cas, voire l’inverse pour un homme).
Quant à ses besoins sexuels, on s’en fiche aussi, elle est là pour satisfaire les autres et non elle-même.
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Qui sont les sorcières ?
Les sorcières sont toutes les femmes en général, et encore plus celles qui n’entrent pas dans les « codes ». Celles-ci sont d’autant plus marginalisées et moquées.
- Une femme âgée, c’est une sorcière (et visuellement, les cheveux blancs ça fait sorcière).
- Une femme qui ne veut pas d’enfants, c’est une sorcière.
- Une femme qui pense à elle, c’est une sorcière.
- Une femme qui veut faire une activité « d’homme », c’est une sorcière.
La pression sociale de ce que c’est que d’être une femme est très forte. Dans le livre, j’ai notamment été touchée de lire des témoignages de femmes qui regrettaient la maternité. Alors celles-là, ce sont carrément des « mères indignes ». On ne se rend pas compte de combien de femmes font des enfants juste parce que c’est ce qu’on leur rabâche depuis l’enfance, sans s’être interrogées si elles le voulaient, ou le pouvaient, vraiment.
La violence envers les femmes
Sincèrement, je ne me rendais pas compte de la violence, verbale ou physique, faite aux femmes. Évidemment, le livre est un recueil de faits et témoignages pour démontrer à quoi on a réduit la femme donc la lecture de certains passages peut-être éprouvante et révoltante. On pourrait se dire « oui mais dans la réalité, c’est pas si pire, et puis aujourd’hui, les femmes sont beaucoup mieux considérées qu’avant ». Certes, je préfère être une femme aujourd’hui. De là à dire que nous sommes sur un pied d’égalité face aux hommes, il y a encore du pain sur la planche.
Le livre mentionne notamment les violences obstétricales, qui m’ont filé la nausée. La femme doit accepter de s’allonger à poil, écarter les pattes, se faire doigter, trancher et recoudre et si elle gémit, c’est une chochotte.
Aujourd’hui encore, on assiste à des féminicides, voire du terrorisme contre les femmes et des groupes d’hommes qui crient haut et fort leur désaccord avec la montée du féminisme.
Certes, on ne brûle plus les femmes sur le bucher. Mais les injures et violences sont toujours présentes, ainsi que la vision de ce que c’est que d’être une femme.
Réflexions de sorcière
J’ai donc beaucoup apprécié le livre, que je conseille aux femmes comme aux hommes pour mesurer réellement ce que ça veut dire être féministe. Féministe, ce n’est pas réduit aux femmes. Cela va beaucoup plus loin.
Il permet de comprendre les discriminations faites aux femmes. Personnellement, je n’ai jamais compris pourquoi être une femme me rendait inférieure aux hommes aux yeux de notre construction sociétale.
J’ai la chance de ne pas me faire emmerder dans la rue, d’avoir eu des postes dans des milieux où il y avait des femmes et où j’étais respectée, d’avoir des modèles féminins dans ma famille qui ont travaillé et savent être indépendantes.
Oui, mais.
En fait, je me rends compte qu’il y a peut-être une autre raison pour laquelle je ne suis parfois pas prise au sérieux, pas valorisée, ou encore qu’on me dit que je dramatise quand mes émotions prennent le dessus, que je n’ose pas exprimer ce que je veux ou pense de peur d’être rejetée, que je me tais quand un gynéco y va un peu fort, que je me sens différente de ne pas forcément avoir envie de faire des enfants ou de travailler de la même façon que les autres.
Ce sentiment de ne pas être à la hauteur, de parfois me soumettre et me censurer, l’envie de mettre les bouchées doubles pour faire plein de choses et me valoriser, peut-être que tout ça ne veut pas dire que j’ai quelque chose qui cloche. Ce n’est pas que je sois mauvaise, pas assez bien ou que je ne fais pas assez. Ce n’est pas que je sois « trop » sensible. Ce n’est pas que je ne sois faible ou bizarre.
C’est peut-être juste parce que je suis une femme. Et que quelque part, moi aussi j’ai intégré des comportements liés à ça, une volonté de me prouver et de montrer que j’existe, une retenue, un côté influençable.
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Pour aller plus loin
Le livre est très complet, j’ai cependant trouvé qu’il l’aurait été encore plus s’il mentionnait ces femmes qui n’ont pas d’utérus, ou pas de menstruations. On pourrait d’ailleurs étendre le sujet à la notion de genre. Car au final, « Femme » est plus un héritage culturel que biologique.
Pour avoir écrit quelques articles sur la féminité, je me suis rendue compte qu’on ne peut pas non plus réduire la femme au fait qu’elle ait des cycles menstruels. On peut très bien être une femme sans l’appareil génital qui va avec ou sans le sang qui coule tous les mois (que ce soit une question de genre ou médicale).
Dès lors que l’on sort des définitions genrées de ce que ce devrait être une femme ou un homme, on libère les individus et laisse les gens être.
Soyons. Point.
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Et toi, que penses-tu des sorcières et du féminisme ?
J’ai lu ce livre il y a quelques temps et je l’avais trouvé très intéressant. Tu soulignes des points auxquels je n’avais pas forcément pensé sous cet angle, l’approche que tu as choisi pour ton billet me donne une nouvelle perspective, merci ;)
Merci ! Peux-tu me préciser les points auxquels tu n’avais pas pensé ? ça m’intéresse :)
Par exemple, je n’avais pas rattaché ma lecture et les réflexions qui en ont découlé à la question du genre (parce que je ne me pose pas la question, pour moi les gens sont ce qu’ils pensent être). J’aurais pu, parce qu’on me reproche parfois de ne pas avoir un « comportement féminin » et que les attentes de la sociétés à notre égard me hérissent… Même si je ne le ressens pas forcément de la même façon que toi (question de génération?), je trouve aussi très intéressant la façon dont tu mets en parallèle tes propres expériences (parce que totalement différentes des miennes) avec ce que tu as lu.
Quand j’ai écrit mon billet sur ce livre, je ne l’ai pas abordé de la même façon que toi. Comparer nos approches a été enrichissant ;)
Merci pour tes précisions ! Je suis comme toi au sujet des attentes sur les « comportements féminins ». C’est parce que je ne comprends pas pourquoi on a des traitements différents selon notre genre qu’il m’a fallu du temps pour réaliser que je pouvais aussi en pâtir, que cela expliquait certains propos que j’ai entendus, qui m’ont fait me remettre en question moi alors que cela répondait à une croyance de genre qui n’a rien à voir avec moi. Je pense par exemple à minimiser la douleur des femmes, à minimiser leurs humeurs et les considérer comme hystériques ou dramatiques dès qu’elles se mettent en colère. On délégitime les émotions lorsqu’elles sont exprimées par des femmes. Je vais un peu plus loin là dessus dans mon dernier article sur les masculinités si ça t’intéresse :)
Je ne comprends pas non plus pourquoi les attentes sont différentes et je suis tout à fait d’accord avec toi sur la minimisation des émotions et douleurs des femmes…
Je vais aller lire ton article sur les masculinités, merci ;)
A mon avis il suffit pas de gérer un blog Voyage et Écologie autour du monde d’une globetrotteuse soucieuse de trouver des solutions pour préserver la planète , on doit passer à l’action !
Et vous pensez que je fais quoi ? Le blog est un moyen de passer à l’action, et j’y retrace mes expériences (donc actions). Et vous, comment passez-vous à l’action ?