La compensation carbone : bonne conscience ou réelle efficacité ?

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On prend de plus en plus conscience de notre impact carbone, notamment lié à l’avion. Il existe de plus en plus de sites proposant la compensation carbone, et je m’interroge. Est-ce vraiment une bonne solution ?

La compensation carbone c’est quoi ?

La compensation carbone est la possibilité pour un État, une entreprise ou un particulier qui souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre de financer des projets permettant d’absorber du CO2, notamment les projets de plantations d’arbres ou d’énergies renouvelables.

Il existe deux types de compensation :

  • la compensation liée au protocole de Kyoto qui engage les États qui y ont souscrit et qui est réglementé. Il donne droit à des crédits carbones, ou « droits à polluer »
  • la compensation volontaire pour tous les acteurs dont les particuliers, non régulée

Ici, je m’intéresse surtout à la compensation volontaire, mais l’idée est similaire : on finance des projets mis en œuvre par d’autres pour neutraliser les émissions générées par nos activités.


La compensation carbone, une fausse bonne solution.

A titre personnel, je ne suis pas fan du concept et je vous explique pourquoi.

La première raison est que selon moi, l’idée de compenser est détachée d’un changement de comportement. Qu’une entreprise ou un particulier hyper polluant se dédouane en finançant des plantations d’arbres sans remettre en question l’activité polluante en question, cela me dérange énormément.

La seconde raison, c’est que c’est un système qui déplace, et légitime, la responsabilité de la réduction des émissions sur d’autres personnes. De nombreux projets sont effectués dans les pays en développement et font la promotion de créer des emplois. Néanmoins, polluer pour ensuite se féliciter de donner du travail aux pauvres (pour faire court), c’est tout autant une forme de néocolonialisme que le volontariat humanitaire que certaines structures peuvent proposer.

La dernière raison, c’est que compenser n’est pas réduire et que cette compensation est d’ailleurs difficile à mesurer et vérifier. Les émissions relâchées dans l’atmosphère sont une certitude, alors que la quantité de CO2 absorbée par un arbre est plus compliquée à estimer. Ajoutons à cela le fait qu’un arbre met des années à pousser, il ne peut mathématiquement parlant compenser nos émissions d’aujourd’hui. De plus, le fonctionnement du climat et du cycle de carbone est bien complexe. « Simplement » planter des arbres, ne suffirait pas à absorber tout ce surplus.

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Donc sans grande surprise, je suis plutôt de l’avis que la compensation carbone est un acte de bonne conscience, voire de greenwashing selon l’acteur qui en fait l’usage.

[FORET TROPICALE]IMG_0573©D.Tarrier


Soutenir des projets environnementaux reste fondamental

Néanmoins, cela ne veut absolument pas dire que tous ces projets ne servent à rien.

Au contraire, je soutiens la création de projets visant à reforester, à protéger les forêts, à soutenir les énergies renouvelables ainsi que le fait de vouloir contribuer à l’autonomie financière de pays en développement.

Simplement, il faut être honnête dans sa démarche et comprendre les enjeux. C’est surtout le terme de « compensation » qui me dérange.

  • Lorsque l’on pollue, on pollue. On a beau chercher à compenser, notre impact négatif est lâché. Il est important de prendre conscience de cet impact, s’en responsabiliser (ce qui ne veut pas dire s’en culpabiliser) afin de voir ce que nous-même on peut faire pour réduire son impact, dans la mesure de ses moyens et contraintes.
  • Lorsqu’une forêt est détruite, un océan pollué, c’est fait. Ce qui a mis des milliers d’années à se forger n’est plus. On ne peut pas revenir en arrière et toutes les plantations du monde ne pourront « compenser » la richesse perdue.
  • A côté de cela, même si on a un impact carbone limité cela ne nous empêche pas de soutenir des projets environnementaux.

Ce que je veux dire c’est que le fait de soutenir des projets environnementaux devrait être décorrélé de nos activités. C’est une nécessité plus qu’un moyen de se dédouaner de notre pollution.

Ces projets et les associations qui œuvrent chaque jour pour rendre cette planète plus vivable doivent être soutenus, financièrement, matériellement ou humainement.

Si on a les moyens d’aider, on peut (et même devrait) le faire simplement parce que c’est juste. Cela ne nous donne pas plus de droit que quelqu’un d’autre de polluer davantage.

Pépinière Colombie


Réduire ses émissions carbones

Le seul vrai moyen de réduire ses émissions carbone c’est de réduire ses activités polluantes, en commençant par celles pour lesquelles on peut trouver une alternative.

Si vraiment notre volonté est de réduire son impact négatif, alors la première question à se poser est « qu’est-ce que je peux modifier dans mon comportement » ?
C’est super que de grandes banques financent la plantation de forêts entières. Mais si elles arrêtaient de cautionner des financements de forage, ce serait nettement mieux !

Et si la préservation de l’environnement est importante pour nous, alors on peut chercher des projets à soutenir indépendamment de notre impact carbone.

La compensation carbone dans ce cas, intervient plutôt pour tenter de neutraliser les activités supplémentaires dont on ne peut se détacher ou se passer, en ayant conscience du décalage temporel entre le moment où on pollue et le moment où on « compense ». On participe ainsi à la réduction globale des émissions, en plus de ce que l’on fait déjà, et non en substitution.


Quelles sont les activités personnelles les plus polluantes sur lesquelles on peut agir ?

Pour réduire son empreinte carbone, voici des domaines dans lesquels un changement de comportement a un impact fort :

  • Les transports, à commencer par l’avion, qui émet près de 2% des émissions mondiales, en optant pour des alternatives.
  • La consommation d’Internet, qui émet près de 2% des émissions mondiales, en revoyant ses habitudes de connexion.
  • L’énergie, le pétrole étant le premier émetteur de gaz à effet de serre (les compagnies de pétrole et de gaz sont responsables de 40% des émissions), en changeant de fournisseur pour des énergies renouvelables
  • La mode, car l’industrie textile émet entre 3 et 10% des émissions selon les sources.

▶ A lire aussi : Comment calculer l’impact carbone de ses voyages ?


Comment choisir un projet à soutenir ?

Plutôt que de compenser ponctuellement ses émissions, je pense que le mieux est de choisir une association à soutenir mensuellement (spécialisée en compensation carbone ou non). Cela leur permet plus de visibilité sur leurs finances et plus d’efficacité de leurs projets.

Concernant le domaine d’intervention, je choisis de plutôt me tourner vers des associations qui mènent des projets de protection des plus grands puits carbone : les forêts et océans.

Les questions à se poser

Pour le choix de l’association, je sais qu’il en existe plein et je ne suis pas en mesure de les étudier et de vous faire une liste des plus sérieuses. Ce que je peux vous partager, ce sont les informations que je pense importantes à connaître :

  • Est-ce que les projets soutenus sont en France ou à l’étranger ? Reboiser une forêt en Amazonie ou en France n’a pas le même impact, mais cela reste un choix personnel.
  • Les projets sont-ils menés par des associations locales ? Si les projets sont menés à l’étranger, c’est important qu’ils soient initiés par les locaux et non par des occidentaux qui ont décidé de faire travailler des locaux pour répondre à un besoin de chez nous 
  • Y a-t-il un suivi et des indicateurs d’impact ? Est-ce que l’association est en mesure de suivre l’évolution des projets, de chiffrer ses actions, et dans le cadre d’une compensation, d’estimer la quantité de CO2 évitée ?
  • Qui finance l’association ? Est-ce que ce sont des particuliers, des fondations, ou des entreprises polluantes ? Si je trouve une association financée par Total, personnellement je préfère en trouver une autre.
  • Qui dirige l’association et comment elle a été fondée ? J’aime connaître l’histoire qui a fait naître le projet et sentir un réel engagement plus qu’une opportunité de marché

Toutes ces informations peuvent être trouvées sur les sites et surtout dans les rapports d’activités, disponibles sur les sites Internet.

Les assos que je soutiens

De mon côté, depuis 2 ans déjà, je soutiens Envol Vert en ce qui concerne les forêts. Je les connais et suis allée voir leurs projets sur place, je ne peux que vous la recommander.

Et suite à l’estimation des bilans carbones de mes voyages (à venir la semaine prochaine !), j’ai décidé de soutenir une association en plus, Coral Guardian, qui replante du Corail en Indonésie.

 

***

Et toi, que penses-tu de la compensation carbone ?

Pinterest-Compensation-carbone

Planet Addict

A 24 ans, j'ai plaqué mon CDI pour partir voyager. Un voyage qui m'a emmené plus loin que ce que je pensais : il m'a ouvert des portes pour suivre mes rêves, m'engager à adopter un mode de vie minimaliste et plus éthique, et élever ma conscience. Depuis 6 ans je partage mon cheminement et mes changements d'habitudes de vie avec vous, en espérant planter des graines !

Cet article a 6 commentaires

  1. Nathalie

    Je suis totalement d’accord avec toi.

    Disons toutefois que j’applique un peu le principe de la compensation dans ma vie de tous les jours : je ne peux pas réduire ma consommation d’essence parce que je travaille à une demie-heure de route de chez moi (et non, aucun train ne relie Guingamp à Saint-Quay Portrieux) MAIS je ne mange presque plus de viande. Tu vois l’idée, quoi :)

    1. Planet Addict

      Merci Nathalie, oui c’est ce que je veux dire : agir où l’on peut en fonction de ses contraintes, ce qui n’empêche de compenser le reste :) L’essentiel c’est de bien commencer par des changements de comportements :)

  2. Millim

    Bonjour, article qui tombe à pic pour qui se torture l’esprit comme moi: mon rêve serait de faire du volontariat en Amérique centrale, je sais d’ores et déjà que le bateau à voile ou moteur je panique :). Peut on considérer qu’on peut faire passer ses choix (égoïstes même en volontariat) de privilégiée des pays riches, autrement dit faut-il mieux avoir des regrets ou un moindre bilan carbone. J’aimerais savoir comment tu gères ça, et ça me fait du.bien qu’un blog comme le.tien existe! Merci

    1. Planet Addict

      Merci Millim, cela me fait plaisir de te lire.
      Je comprends tellement le dilemme auquel tu fais face. Et à cette enclume de riche privilégiée avec laquelle on s’assomme. Ce que je « dénonce » c’est un volontariat impulsé par un genre d’égo, de bonne conscience, sans rien changer à côté et sans se poser des questions sur son impact.
      Le fait que tu te poses ces questions me fait dire que c’est plus que de la bonne conscience.
      Mon conseil, serait de sentir cette envie en toi et de distinguer si c’est une expérience « cool et bucketlist » que tu aimerais expérimenter dans ta vie, ou plutôt un « appel » qui te dépasse un peu, qui attire ta curiosité, qui nourrit un apprentissage, une envie de l’expérimenter pour des raisons plus profondes que superficielles. Ce n’est pas forcément un exercice facile.
      Par exemple, quand j’ai préparé mon voyage en Amérique latine j’avais prévu un itinéraire très condensé. J’avais cette envie profonde, et dans l’organisation je voulais tout faire. Puis je suis arrivée au Mexique et j’ai pris le temps d’expérimenter tout ça sur place. J’ai donc moins bougé d’un pays à l’autre, et même si j’ai pris l’avion, l’expérience était bien plus riche et plus impactante.
      A toi de trouver l’organisation autour de ce séjour qui te permets de rester en accord avec tes valeurs (temps sur place, type de transport, de projet etc.). Et ça c’est toi qui sais :)

  3. Millim

    Et pour approfondir, une discussion sur le pourquoi notre « besoin » d’aller voir une autre culture: après tout on pourrait rester en Europe ou se satisfaire de notre ville/village :)… https://voyageforum.com/discussion/voyager-ecolo-reve-realite-d892653/
    Je comprends que ce sont des questions que l’on se pose uniquement quand nos besoins de base sont satisfaits (donc quand on est riche et privilégié), j’ai aussi l’impression que ce sont nos conditions d’humains riches et privilégiés qui nous rendent éternellement en recherche d’un ailleurs plus « sage »… Impression partagée?

  4. Mike

    bonjour, merci pour votre article. Je me permettrai de compléter en disant que la Compensation est la dernière action du principe ERC, Eviter / Réduire / Compenser.
    Je voudrais partir en Patagonie, raison pour laquelle, je cherche à réduire mon impact. Mais pour le transport aérien, je ne vois pas trop comment faire a part Compenser.
    Je travaille actuellement sur Eviter et Réduire, une fois sur place.
    A bientôt !

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